Aude Tahon

Aude Tahon. Pourquoi elle aime travailler et créer avec le textile - J'ai commencé par des études en anthropologie et ethnologie au cours desquelles j'ai voyagé entre préhistoire, histoire de l'Homme et sociologie, voyage à travers le temps et les peuples du monde. Cela paraît loin du textile tout ça ! Mais c'est par cette fenêtre ouverte sur le monde, sur les pratiques et techniques des sociétés humaines, que je me suis intéressée au textile. J'ai étudié de manière théorique et sociologique les objets tissés et teints de différents peuples (tissus Kuba du Zaire, ikat et plangi indonésiens, batik du Mali...). Très rapidement, j'ai voulu comprendre de l'intérieur, j'ai voulu faire et expérimenter, teindre, coudre, plisser, tisser. Je me suis aperçue que ce n'était pas la symbolique et la place de tel tissu dans une société donnée qui m'intéressait, mais la force, le caractère et le moyen d'expression et d'identité qu'il représentait. J'ai alors pris des cours en couture, tissage, teinture, nœuds coréens et vannerie... Avec ces apprentissages textiles, j'ai pu rejoindre l'école supérieure d'arts appliqués Duperré à Paris. Puis j'ai continué par une formation de modéliste en coupe/vêtement, ce qui me permet d'appréhender le volume du corps et des objets, et faire des patrons. C'est le rapport avec la matière qui me passionne. Les mains et la tête sont les outils intermédiaires pour aborder la matière. Avec le fil, j'établis un dialogue, j'apprends à le maîtriser, le dompter, et il m'apprend sur lui-même, je dois l'écouter, le comprendre, voir comment il réagit. C'est un chemin parcouru ensemble fait d'écoute, de compréhension, d'erreurs, de trouvailles, c'est une écoute mutuelle ! Mes mains me permettent de dialoguer avec le fil, sans elles, il n'y aurait pas de dialogue. Et ma tête me permet d'avancer et de toujours continuer ce dialogue. Comme technique, j'utilise celle du nœud : c'est un rythme qui me convient. Le fil noué est devenu ma matière. Le fil, c'est un chemin et je continue chaque jour à apprendre et à comprendre. Le nœud est le cœur de la construction de l'objet textile. Il a une échelle complexe mais visible qui permet de comprendre comment un tissu se construit : de passages de fils, imbriqués et entrelacés. Le nœud est une unité qui permet d'entrer au cœur du textile, de son architecture, de sa construction. J'aime jouer avec les vides et les pleins, les ombres et la lumière, et révéler l'architecture de l'objet textile. Son textile de prédilection - La soie, plus précisément, la guipure de soie. Pour nouer, il faut un fil glissant, qui ne garde pas en mémoire ce qu'on lui fait subir. La soie a également une autre grande qualité, celle de "boire" la couleur. Lorsqu'on la teint ou la peint, la soie sait faire vibrer la couleur. Sa création - Il s'agit du collier "éventail", en soie. Cette pièce parle bien de mon travail. Au premier abord, elle en révèle l'aspect féminin, ainsi que la teneur végétale. Mais elle parle aussi de ma vision du bijou en tant qu'objet et pas seulement en tant qu'"objet porté". Un bijou, ça n'est pas un simple objet porté. Le corps a un volume, des courbes, des mouvements, qu'il faut pouvoir comprendre et auxquels on pense lorsqu'on crée un bijou ou un vêtement : le bijou doit être en dialogue avec le corps. Ce collier pourrait également ne pas être porté, et simplement regardé, accroché au mur. Certaines personnes d'ailleurs choisissent mes "bijoux" pour les installer chez elles, juste pour les regarder, comme une sculpture.
© Aude Tahon