Le designer Mathieu Lehanneur "Les médicaments sont des produits avec lesquels nous devons vivre"

le feutre thérapeutique
Le feutre thérapeutique © Véronique Huyghe

Votre projet de diplôme mêlait design et médicaments. Comment vous est venue cette idée ?

Effectivement, et l'école n'était pas très "chaude". Pour eux, ce n'était pas un terrain pour un designer, c'était beaucoup trop scientifique. Je leur ai répondu qu'ils avaient raison mais que les médicaments restaient des objets avec lesquelles nous devions vivre. Justement ne les laissons pas aux scientifiques et regardons ce qu'on peut y apporter en tant que designer. Cette idée m'est venue car, à l'époque, j'étais cobaye pour l'industrie pharmaceutique. J'ai pris conscience à cette période qu'au-delà de cette simple gélule, il y avait tout un tas de superstitions, d'inconnues qui influaient sur la réaction de notre corps au produit. Cette pilule est directement liée à la manière d'apprivoiser sa maladie. C'est un champ vaste et complexe qui mêle à la fois la psychologie, le domaine scientifique et même la religion. Pour ce projet, je me suis entouré de spécialistes : un médecin généraliste, un psychiatre et un laboratoire pharmaceutique. Je ne voulais pas proposer des choses qui ne seraient pas réalisables. Au final, cela a pris la forme de dix produits : antibiotiques, médicament au centimètre, mouchoir et feutre thérapeutiques, verre à air, gourde, baguette de sommeil... Je voulais montrer ce qu'il serait possible de faire si l'industrie pharmaceutique prenait en compte le fait que le médicament n'est pas toujours bien pris, qu'il existe une relation à dessiner entre cette prise de gélule et le patient.

"Je suis en train de créer une société dédiée au design pharmaceutique"

Ces créations sont exposées de manière permanente au MOMA de New-York. Quel sentiment cela procure-t-il ?

C'est vrai, la collection complète de mon projet de diplôme sur les médicaments est exposée au MOMA. C'est sûr, c'est un vrai honneur et vous n'êtes pas peu fier sur le moment. Mais néanmoins ce n'est pas leur place. Je n'ai pas fait ça pour que cela devienne une pièce de musée. C'est quelque chose qui a vraiment sa place en termes de besoin, et ça me ferait encore plus plaisir si je le voyais dans un linéaire de pharmacie.

Justement est-ce envisageable ?

Bien sûr que c'est possible. Je suis d'ailleurs en train de monter, avec un associé, une société dédiée au design pharmaceutique qui sera basée aux Etats-Unis. C'est un secteur très spécifique et je ne voulais pas mélanger ces projets avec ceux de ma SARL actuelle. Pourquoi les Etats-Unis ? Parce que mon associé est américain et vient du monde pharmaceutique. Elle s'appellera "Everything but not the molecules" (Tout sauf les molécules).

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