Une artiste raconteuse d'histoires à travers ses tableaux "J'assemble des choses qu'on ne penserait pas aller ensemble"

Comment créez-vous ? D'où vient votre inspiration ?

Depuis 2000, je développe ce que j'appelle mes "parcours" : au lieu de faire un tableau qui raconte une histoire, je fais un ensemble de tableaux qui racontent une histoire. J'aime ainsi beaucoup évoquer l'histoire d'un lieu, d'un personnage, d'une ville...

Par exemple, la première fois que j'ai exposé à la Villa Tamaris, à à la Seyne-sur-Mer, en 2007, je me suis demandée pourquoi le lieu s'appelait ainsi. On m'a expliqué qu'il y a 150 ans, un petit ingénieur seynois est parti en Turquie construire 111 phares et balises, il s'est enrichi et est devenu pacha (d'où son surnom de Michel Pacha). Il revient ensuite vivre à la Seyne-sur-Mer où il construisit des résidences de luxe, dont la Villa Tamaris qu'il occupa. Grâce à lui, la Seyne eut une certaine renommée à cette époque. Cette histoire m'a passionnée et je l'ai donc racontée à ma manière : je commence à peindre les phares (pas les 111, bien sûr !). Puis je me dis que la gardienne de phare s'ennuie un peu toute la journée, alors je lui dessine une petite chaussure très coquine : c'est la chaussure de la gardienne du phare de Fhener Bahge. Puis j'ajoute une sublime chaussure Yves Saint Laurent et je me dis que c'est la chaussure de l'arrière-arrière-petite-fille de la gardienne de phare...  Ensuite, je m'inspire du terme "ottoman", qui signifie "manteau" en turc, qui est à la fois une redingote, une chaise longue...

Bref, j'assemble des choses qu'on ne penserait pas mettre ensemble. Mon travail est de donner à voir des choses que tout le monde connaît mais que personne n'a pensé à assembler. Je donne des indices, comme un jeu de piste, pour que les gens s'intéressent à la vie d'une personne, d'un lieu... et qu'ils ne se contentent pas de passer simplement d'une pièce à l'autre d'un musée. La mémoire, le passage du temps et l'usure des objets inspirent beaucoup mon travail.